Plan directeur et plans d'aménagement de la Nouvelle Agadir

 


Les études d'urbanisme furent réalisées par le Service de l'Urbanisme, dirigé par l'architecte Abdeslam Faraoui puis par l'architecte Mourad Ben Embarek et spécialement par l'Équipe du Bureau Central des Études dont faisaient partie Pierre Mas (urbaniste), Claude Beurret (architecte), Jean Challet (paysagiste), J.-L. Lamarque Caupenne (administrateur) (Mas, 6) (Péré, 57).
Ces études furent le fruit d'un travail d'équipe pour la "résolution d'un problème complexe où tous les détails furent longuement pesés et franchement discutés entre tous". Les relations et les contacts directs entre l'équipe de conception du Service d'Urbanisme, l'Administration et l'équipe chargée de la réalisation du Haut Commissariat à la reconstruction d'Agadir (HCRA) permirent de mener à bien ce travail (Mas, 16).
Le Plan Directeur proposé par le Service de l'Urbanisme du Ministère des TP de Rabat fut élaboré en 6 mois.
Un premier rapport fut rédigé avant l'été 1960 traçant les grandes lignes du Plan directeur. On y trouvait une ébauche de plan et des suggestions qui seront reprises plus tard.

  Le plan fit l'objet d'une consultation d'architectes et d'urbanistes nationaux et internationaux. La plupart des architectes du Maroc appelés à travailler à Agadir furent associés aux études d'urbanisme, furent consultés au fur et à mesure.
L'architecte Le Corbusier consulté, n'a pu accepter les conditions du travail qui lui furent proposées (Mas, 6).
Par la suite, le Service de l'Urbanisme suivra la réalisation ultérieure des plans en liaison avec HCRA dans tous les domaines.
Le Plan Directeur sera approuvé par le roi Hassan II à la fin de l'année 1961. 

 

  Choix du site de la nouvelle Agadir

Au moment du séisme, Agadir, constituait le chef-lieu d'une zone économique du royaume, bien individualisée.
9 quartiers constituaient Agadir : Anza, Le Port, Founti, La Kasbah Offla, Yachech, Talborjt, Le plateau administratif, La Ville Nouvelle, Le Quartier Industriel Sud. L'oued Lahouar représentait la limite Sud de la ville.

La ville et sa région disposaient d'infrastructures importantes : un port construit en 1953 dont le trafic progressait régulièrement et un aérodrome prêt à recevoir des moyens courriers à réaction (P. Mas, a+u 4, p. 6).
Agadir était aussi un point de passage routier obligé.

Suite au séisme, les études géologiques permirent de déterminer les zones dangereuses qui furent déclarées inconstructibles : c'est-à-dire la zone pré-atlasique soit 250 ha correspondant aux quartiers de Founti, la Kasbah, Talborjt, Le Plateau administratif, Yachech.

La question était de savoir si la ville devait être reconstruite sur son site actuel jusqu'à la frontière de l'Oued Lahouar (ce qui permettait de conserver des bâtiments réparables, des infrastructures peu touchées par le séisme et évalués à plusieurs milliards de DH, 500 ha équipés en voierie et réseaux divers) ou si la nouvelle Agadir devait être déplacée vers le S-E au-delà de l'Oued Lahouar en intégrant les centres de la zone dite du Groupement d'urbanisme d'Agadir Sud-Est.

 

  Groupement d'Urbanisme d'Agadir et de sa banlieue Sud-Est (1942)

Les problèmes de croissance et de spéculation foncière qui s'étaient posées avec acuité sous le Protectorat concernant Agadir avaient été analysés par Michel Écochard (Directeur du Service de l'Urbanisme sous le Protectorat de 1947 à 1953) et avaient donné lieu en 1952 à un Plan pour le "Groupement d'urbanisme Agadir Sud-Est" dans le but de contrôler le développement rapide de cette banlieue.
En effet, la ville érigée en municipalité en 1930, avait souffert d'une spéculation foncière provoquée par la libération des terres (autrefois collectives) que les propriétaires avaient gelé pour réaliser des plus-values faciles.
La croissance anarchique qui en avait résulté, avait nécessité l'étude d'une réglementation protégeant les zones agricoles et forestières environnantes : c'est ainsi qu'avait été créé en 1952 ce "Groupement d'Urbanisme d'Agadir du Sud-Est" (Péré, 52).
À partir du dahir du 30 juillet 1952 relatif à l'urbanisme, un plan d'aménagement et de zoning fut constitué, protégeant de constructions tous les espaces nourriciers, zones irriguées notamment et tous les secteurs naturels (dunes, forêts, etc.). Cela avait permis de réserver des secteurs d'extension d'habitat et d'industrie et d'éviter les risques de spéculation.

Le périmètre de la zone dite Groupement Sud-Est comprenait :

  • La Municipalité d'Agadir,
  • Les Centres d'Inezgane, Dcheïra, Ben Sergao, Aït Melloul,
  • Des zones rurales dont un important secteur irrigué et de vastes terrains collectifs,
  • Un grand domaine forestier en bordure du littoral entre mer et embouchure de l'oued Souss sur une ancienne zone dunaire maintenant largement fixée.

L'aménagement de l'ensemble qui servit de cadre à la ville était donc déjà planifié, seule la future ville nécessitait une adaptation somme toute légère pour devenir le Plan directeur de la future ville d'Agadir de 1960 présenté par le Service de l'Urbanisme (P. Mas, Plan directeur et plans d'aménagement, Revue africaine d'architecture et d'urbanisme, n°4, 1966).

Le cadre juridique de ce groupement d'urbanisme demeura valable après le séisme et n'eut à subir que de légères retouches (P. Mas, Plan directeur et plans d'aménagement, Revue africaine d'architecture et d'urbanisme, n°4, 1966).

Finalement l'État opta pour le plan émanant du Service de l'Urbanisme qui maintenait la ville dans son ancien emplacement comprenant Anza, Le Port, le front de mer et la partie d'Agadir ancien entre l'oued Tildi et l'oued Lahouar.
La surface totale constructible dans le cadre de l'ancien plan représentait environ 1.100 ha.
Dans cette surface : 250 ha furent déclarés inconstructibles (Kasbah, Founti, Talborjt, Yachech, Plateau administratif).
Parmi les 800 ha qui demeuraient constructibles : 500 ha étaient encore libres.

Le site retenu de la nouvelle Agadir dans l'ancien cadre avait donc l'avantage d'intégrer dans la nouvelle cité d'importantes installations qui n'avaient été que faiblement endommagées comme :

  • Le port, indispensable à l'activité économique régionale ;
  • Une partie importante de l'infrastructure urbaine évaluée à 10.000.000 DH ;
  • Des bâtiments rescapés réparables.

Une fois les zones constructibles et inconstructibles déterminées, un inventaire général des immeubles endommagés, des infrastructures, des réseaux divers fut réalisé qui permit de dresser précisément la liste des immeubles réparables pouvant s'intégrer dans le nouveau plan : ainsi, le port, les routes et rues en bon état, certains bâtiments (Hôtel de ville, le Lycée, des cités du QI et d'Anza, le Tribunal, d'Instance, l'Hôtel de Police, les écoles et groupe scolaire du QI Sud) certaines villas du fer à cheval et immeubles (Paternelle, Cassou, SATAS, etc.) furent conservées et réparées.
Les bâtiments réparables des zones maintenues (Ville Nouvelle, Secteur Mixte et Extension X, Anza et QI Sud) étaient évalués à 40.000.000 DH.

 

  Prévisions concernant la population de la future Agadir

À l'intérieur de cette zone de 800 hectares au total, fut prévu dans une première phase, l'équipement en voierie et des services publics des 500 ha destinés à accueillir dans le futur une population de 50.000 habitants.
Agadir comptait environ 35.000 habitants avant le séisme ; il fut estimé que le chiffre de 50.000 habitants serait atteint avant 20 ans par une population en plein essor. Toutefois, le plan directeur réserva des zones d'extension vers le Nord-Est pour permettre à la population d'atteindre 90.000 habitants.

Il était important, selon l'urbaniste Pierre Mas, de recréer une "ville groupée", où "l'association intime des activités les plus diverses devrait assurer un développement de la vie sociale aussi riche et intense que possible". Car selon Mas, la ville d'avant le séisme, donnait l'impression "d'une œuvre trop ambitieuse, impossible à achever". "À côté de quartiers modestes mais denses et animés, s'étalaient des tracés de voies somptuaires délimitant de nombreux terrains vagues où se dispersaient un petit nombre d'immeubles et quelques villas".
" Inorganique, la ville n'avait ni centre, ni unité ", trop étendue elle avait de lourdes charges d'équipement à supporter ce qui aurait freiné son développement jusqu'en 1945.

Il fut décidé de "dimensionner" la ville nouvelle en fonction des ressources de son "hinterland" en permettant cette fois-ci une "extension raisonnable" (Mas)

 

  Options du Plan directeur

Il fut conçu en fonction de 3 fonctions "vitales" reconnues à la ville :

1- Une fonction administrative :

Agadir, au moment du séisme, constituait le Chef-lieu d'une vaste province de 53 000 km2 qui constituait une zone économique du royaume, bien individualisée et isolée sur le plan géographique (Mas a+u 4 p 6).

La ville et sa région disposait d'infrastructures importantes :

1. Un port dont le trafic progressait régulièrement,
2. Un aérodrome prêt à recevoir des moyens courriers à réaction,
3. Agadir était aussi un point de passage routier obligé : tous les produits locaux y affluaient, tous les produits importés y passaient.

La ville disposait de bâtiments administratifs dont l'Hôtel de Ville, le Tribunal d'Instance et la Sécurité régionale qui avaient résisté au séisme et pouvaient être remis en état.

2- Une fonction commerciale et industrielle :

Agadir drainait toute l'économie de la région (agriculture, pêche et tourisme). Il s'agissait d'une zone économique prometteuse sur le plan agricole et à l'exportation, et des produits de la mer encore peu exploités même si l'industrie de la conserve traversait une crise due aux difficultés de commercialisation (en dehors de la farine et engrais de poisson susceptibles de procurer à la pêche locale de nouveaux débouchés) ; les ressources minières semblaient moins importantes que prévu. Parmi les industries, Agadir disposait d'une cimenterie fabriquant un excellent liant et d'une minoterie.
Le commerce de gros et de demi-gros groupé à l'ancien Talborjt avant le séisme drainait la production agricole et les importations ; la ville devait rester un lieu d'échange et de développement d'activités diverses ;

3- Une fonction touristique :

En raison de son climat exceptionnel et de sa très belle baie et de sa plage magnifique, il fut décidé de réserver aux hôtels et aux établissements balnéaires un vaste secteur boisé en contact direct avec la plage (P. Mas, 10). Agadir représentait un relais pour visiter et découvrir le Sud marocain (Taroudant, Tafraout, Goulimine, Anti-Atlas, Vallée du Paradis, Ida Ou Tanane, etc.). Toutes les conditions devaient permettre à Agadir d'assurer la 1ère place dans l'équipement touristique du Royaume (Mas, 10).

Dans un 1er temps, une "ville provisoire" fut créée pour abriter les sinistrés pendant la période de reconstruction.
Plusieurs cités provisoires furent aménagées autour de la cité ouvrière du Quartier Industriel Sud et à Anza sur des terrains non immédiatement utilisables.
Il fut nécessaire de déterminer très rapidement avant que les plans d'aménagement soient terminés, l'emplacement réservé aux édifices publics comme l'Hôpital provincial.
Il s'agissait de revoir tout ce qui touchait à l'assainissement, les réseaux divers, la voierie et régler certains problèmes liés à la topographie pour remodeler la ville avant de commencer la reconstruction (exemple de l'oued Tanout qui coupait la ville en 2).

 

 

  Les principes suivants furent adoptés :

1. Permettre le développement des activités industrielles et touristiques : En raison de ces 2 activités jugées incompatibles (tourisme et industrie), la zone des Dunes et les terrains situés entre la RP8 et la plage, furent réservés aux activités touristiques et balnéaires pour offrir une zone de développement en profondeur disposant de vues sur la baie grâce à un dénivelé de 15 m. Cette zone devait restée en contact étroit avec la ville. Le secteur touristique fut isolé des quartiers industriels par la création d'une voie d'évitement, libérant les circulations urbaines du trafic des poids lourds assurant une liaison directe entre le port et le QI Sud ;

2. Créer un nouveau "cœur" de ville, au carrefour des activités essentielles ;

3. Priorité fut donnée à la renaissance du secteur de commerce traditionnel en intégrant le "Nouveau Talborjt" au nouveau "cœur" de la ville ;

4. Regrouper tous les services administratifs et provinciaux, les services des TP et ceux du Tribunal administratif auparavant dispersés, au sein d'une Cité administrative unique ;

5. Assurer le meilleur développement possible des secteurs résidentiels périphériques ;

6. Établir un plan clair sur une trame orthogonale avec des construction sur les points hauts, les points bas et thalwegs étant réservés aux jardins publics, boisements et terrains de sports (Mas, 11). Une importance particulière était accordée à l'aménagement d'"espaces libres publics", jardins, boisements, places pour faire d'Agadir une ville pour les piétons. Ces éléments étaient reconnus nécessaires au développement des relations de la vie sociale dans la cité (P. Mas).

 

Le plan d'aménagement devait s'inscrire sur une trame orthogonale : les voies seraient moins larges que celles de l'ancien plan d'Agadir d'avant le séisme, le gain de place serait utilisé pour implanter des parcs de stationnement.
Une voie d'évitement fut conçue pour libérer les circulations urbaines du trafic des poids lourds et assurer une liaison directe entre le port et le QI Sud.
La route principale N°8 fut déviée vers l'Ouest pour éviter Anza et constituer une nouvelle entrée dans la ville offrant une belle vue sur la baie.

Première conséquence de la centralisation de la reconstitution : Agadir fut la 1ère ville marocaine à bénéficier d'un SDAU (Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme) et d'un PLHDU (Plan Local d'Habitat et de Développement Urbain).

 

  Sources :

  • Mas P. : Plan directeur et plans d'aménagement (a+u, pp. 6-17, 1966)
  • Beurret C. : Architecture et aménagements publics (a+u, pp. 34-35, 1966)
  • Péré M. : Agadir, ville nouvelle, Revue de Géographie du Maroc, n°12, 1967