Lazaret et Orphelinat
Maison de retraite et Sauvegarde des mendiants

 

 
 

Le Lazaret (établissement de mise en quarantaine des passagers, équipages et marchandises en provenance de ports où sévissaient la peste) fut construit au début des années 40 au fond de la ville du côté de l'Oued Lahouar, entouré d'un vaste mur d'enceinte.

Il servait à isoler les malades contagieux (hommes et animaux). On retrouve dans les dahirs municipaux des consignes sanitaires et la mise en quarantaine concernant ces épisodes de "peste" et de rage pas si éloignées.
En 1953, les locaux furent agrandis en direction de l'Oued Lahouar.

Quand les centres de santé et les hôpitaux d'Agadir-Inezgane furent construits et purent dispenser prévention et soins aux personnes contagieuses, les locaux du Lazaret, devenus inutiles, furent mis à la disposition de l'Orphelinat qui se trouvait à Talborjt de 1948 à 1955.
L'Orphelinat intégra les locaux du Lazaret au Quartier industriel vers 1955.

Après l'Indépendance en 1956, les orphelinats au Maroc dépendirent de l'Entraide Nationale, organisme présidé par la princesse Lalla Aïcha (organisme fédérateur de l'action sociale au Maroc créé par Mohamed V en 1957).

Le Comité directeur de l'Orphelinat du Quartie Industriel d'Agadir était composé d'Ahmad Akhnouch, d'Abbès Kabbage, de Si Ahmed ben Taleb, de Charjane Ali (sergent Ali) d'Ihchach, de Lahoucine Boulwalb et d'Habib Bourqia. Le trésorier était Si Ahmed Ben Taleb.

Le directeur de l'Orphelinat était Lahoucine Laânaït, fils d'Hadj Larbi Laânaït (chef des chaouchs de la Municipalité qui avait créé les fours Beldi du QI).
Lahoucine Laânaït fut directeur de l'établissement de 1956 à 1960, après avoir reçu à Rabat une formation universitaire adaptée aux cadres de ces établissements.

 
L'établissement n'était pas mixte et accueillait 200 garçons âgés de 6 à 14 ans. La grande majorité était constituée d'orphelins mais aussi d'une petite proportion d'enfants trop éloignés de chez eux pour pouvoir suivre une scolarité normale.

Au début, l'orphelinat avait imposé une même blouse ou même tunique permettant de reconnaître les enfants.

Les enfants de l'Orphelinat suivaient les cours à l'école musulmane des garçons dite école Goursaud du nom du directeur de l'école qui se trouvait juste à côté (il n'y avait que la rue à traverser).

Le directeur de l'Orphelinat veillait sur l'éducation, la scolarisation et au respect des heures de prière.
Le médecin de la Municipalité (Dr Guillaume) veillait quant à lui sur l'hygiène et le régime alimentaire de l'orphelinat.
Le fkih Si Azemzem annonçait par haut parleur le rassemblement des enfants et dirigeait les prières pour ceux qui n'avaient pas de cours.
Un gardien était affecté au portail. La discipline était très stricte.

L'orphelinat disposait de trois dortoirs équipés de lits individuels et de petites tables de nuit. Chaque dortoir était surveillé par un gardien qui occupait un des lits. Ce gardien avait comme consigne de réveiller toutes les 2 ou 3 heures les enfants énurétiques comme l'avait préconisé le médecin. Les enfants disposaient d'une armoire pour trois.

Deux lingères s'occupaient du linge et du contrôle des lits.
L'établissement disposait d'une infirmerie permanente et des services d'une assistante sociale.
Chaque soir, des instituteurs des écoles musulmanes d'à côté donnaient des cours à tour de rôle selon un planning établi. Ils pouvaient prendre leur repas avec les élèves s'ils le désiraient.
L'établissement était pourvu d'une cave avec des chambres froides pour conserver la viande, le poisson, les poulets, les produits frais, légumes et fruits. Il ne manquait de rien.

La maison du directeur se trouvait près du portail qui donnait sur la rue goudronnée menant à l'immeuble des familles d'instituteurs au bord de l'oued Lahouar.
Dans l'enceinte de l'établissement se trouvaient un terrain de sport et un jardin.
Chaque semaine, les enfants pouvaient aller par roulement au cinéma Salam. Le directeur du cinéma Salam, M. Idder, remettait à cet effet des billets chaque semaine.

Les enfants et adolescents pouvaient se rendre gratuitement une fois par semaine au Hammam Salam.
Un coiffeur passait un jour sur deux.

De l'extérieur, on entendait les enfants et adolescents jouer dans l'immense espace qui allait jusqu'à l'Oued.
 

 
 

 
 

En 1957, l'établissement changea de nom et devint le "Foyer des Jeunes" selon la volonté de la princesse Lalla Aïcha. Les blouses et tuniques furent abandonnées, les enfants choisirent leurs vêtements selon des modèles proposés et commandés à Rabat.

Une petite partie du vaste terrain du Lazaret-Orphelinat proche de la rue Painlevé devint une pépinière peu de temps avant le séisme jusqu'aux années 80.
Une maison de retraite fut construite à côté donnant sur la rue Painlevé avant le séisme.
 

 

 
 
 
 Après le séisme, les enfants furent emmenés dans une grande ferme d'Abbès Kabbage vers Ouled Teïma et un mois après à Kénitra. Comme les autres sinistrés orphelins, ils furent dispersés en Belgique et dans d'autres pays.
Le directeur, Lahoucine Laânaït, prit la direction d'un camp de sinistrés d'Agadir logés dans des grandes tentes à Dcheira en face d'Inezgane.
 

 Vers 1970-75, l'Orphelinat déménagea à l'Extension X.

Par la suite, la municipalité accorda la moitié des bâtiments de l'ex-Orphelinat à la Police d'Urgence pour une Caserne de Police dite CMI (Cie Militaire d'Intervention). L'autre moitié servit d'habitations au personnel de la Municipalité.

Les bâtiments de l'ex-lazaret-orphelinat existaient toujours en 2013.
À l'intérieur de l'enceinte se trouvaient un dépôt de la Municipalité où s'effectuait le nettoyage des bacs à ordures ménagères et un entrepôt des matériaux nécessaires à la réparation des chaussées abimées, à la fabrique de bordures des allées des jardins-publics, etc. De ce côté, il a gardé le nom de Lazaret à peine déformé (" Lézaret " ou encore " Les Arrêts " car des produits confisqués furent stockés là).
À l'intérieur du parc s'était créé un petit quartier de maisons-cabanes au milieu de plantes volubiles.

 L'espace donnant sur le boulevard Bouabid (ex-Painlevé) est maintenant occupé par une association "Igoudar" de sauvegarde des mendiants et une maison de repos et de protection sociale "Dar Erraha", établissement mixte pour les personnes âgées en situation difficile, a investi la maison proche de la pépinière.

 

(Témoignage recueilli par Lahsen Roussafi auprès de Lahoucine Laânaït)