Élie Azagury (1918-2009)
Architecte DPLG, peintre et sculpteur


 


Architecte marocain de renommée internationale.
Il fut le premier architecte marocain diplômé.

Il est né à Casablanca le 17 octobre 1918.

Il travaille chez l'architecte Marius Boyer à Casablanca en tant que dessinateur avant de partir en 1937 faire ses études à l'ENSBA de Paris où il retrouve son ami d'enfance Jean François Zevaco.
ENSBA (Paris) de 1937 à 1946 (atelier Hérault).
Puis à l'École de Marseille (atelier Beaudouin).
Puis à nouveau à l'ENSBA de Paris (atelier Auguste Perret).

Chez Ralph Erskine (architecte anglais fonctionnaliste, prix Royal Gold Medal for Architecture en 1987, Prix Wolf en art en 1992 pour l'ensemble de ses travaux) à Stockholm.
Il travaille deux ans à Stockholm.


DPLG le 13 novembre 1946.
Autorisé à exercer le 29 août 1949.
 


Les influences essentielles qui ont marqué ses études et sa carrière proviennent selon lui d'Auguste Perret mais surtout de Le Corbusier et du groupe des CIAM dont il fit partie jusqu'à sa dissolution. Il sera pénétré de la science des matériaux et de la légèreté de l'architecture nordique au contact de Ralph Erskine (Cohen, 419).
Il eut durant toute sa carrière des contacts étroits et durables avec des architectes tels que José Louis Sert, Paul Nelson, Richard Neutra, Oscar Niemeyer, Rogers et Ralph Erskine.
En 1949, il ouvre sa propre agence à Casablanca (située dans le quartier résidentiel d'Anfa) dans laquelle il restera en activité jusqu'en 2007.

 

Il réalise de nombreuses villas à Casablanca dont la célèbre villa Schulman (1951) d'un "fonctionnalisme organique et inventif" et sa maison personnelle en 1962 d'un "néo-brutalisme manifeste" (Arch. Française d'O-M, 383).

 

 Il fut membre de l'Union des Artistes Modernes et des CIAM, membre du GAMMA du groupe CIAM-Maroc, membre du Cercle d'Études Architecturales de Paris.

Il fut très impliqué dans les CIAM lors des débats sur l'urbanisme.

Il participa à la revue "Carré Bleu".

Les années 50 connaissent une grande réflexion sur l'urbanisme et le logement social avec le concept d'"Habitat pour le plus grand nombre".
Azagury participe à ce mouvement.
Il conçoit le quartier d'habitations populaires du Derb El Jdid (1957-1960).

À la fin des années 50, sa seconde maison et son agence à Anfa constituent "l'un des manifestes les plus achevés du néo-brutalisme corbuséen" (AF O-M, 383).
Adepte du métissage, il accomplit de nombreux voyages d'étude et aime mélanger les styles.

Après l'Indépendance du Maroc, il devient le 1er président de l'Ordre des Architectes du Maroc. Membre de l'UAM. Il fonde le groupe Quadra avec Omar Alaoui.


Son œuvre est considérable après l'indépendance.

Il conçoit des groupes scolaires (Groupe scolaire Longchamp avec l'architecte J. Lévy, AA 60, juin 1955, p. 68), l'Office du Thé à Casablanca avec Henri Tastemain en 1956 et des ensembles d'habitat économique ou populaire, des bâtiments pour le complexe touristique de Cabo Negro en 1968.

 
 

 
 
 

Il participe activement à la Reconstruction d'Agadir


Il conçoit :

Le Tribunal et la Cité administrative d'Agadir au début des années 60 ;

La Banque Al Maghrib en 1997.

 

Il concevra avec l'architecte François Lemarié, l'Hôpital Hassan II (ouverture de chantier en 1962) ;

 

Selon l'architecte Driss Kettani, Élie Azagury fut un des derniers représentants de ces pionniers qui avaient l'architecture au cœur et avaient donné ses lettres de noblesse à l'architecture marocaine du XXème siècle.

Cette architecture se caractérise par une rigueur structurelle, une puissance plastique, l'authenticité des matériaux et une touche de baroque ; une architecture moderne authentiquement marocaine.

Élie Azagury disait :
"Il me semble indispensable lorsque les idées neuves viennent en surface, de les exprimer avec la plus grande force possible.
L'esprit de caricature ou de brutalité ne me dérange pas, les années à venir adoucissent les formes et, ce qui nous a semblé ou qui nous semble féroce, devient quotidien".

"Mon travail à Agadir, dira-t-il, s'est fait dans un climat d'enthousiasme et de fraicheur, j'étais jeune, sur de moi, passionné et bouleversé par la terrible catastrophe dans laquelle venaient de périr 20 000 personnes.
La collaboration a été parfaite, des liens profonds d'amitié se sont créés entre nous et durent encore aujourd'hui. La réalisation d'une pareille tâche reste pour moi un exemple…"

 "Aujourd'hui, constatait-il, l'architecture moderne fait partie du paysage marocain et constitue un patrimoine important.

Malheureusement ce patrimoine moderne ne suscite aucun intérêt.

Mais en dehors de sa qualité architecturale et de sa valeur esthétique, cette architecture doit faire partie de ce patrimoine pour deux raisons :
Cette architecture est exceptionnelle et porteuse d'un message social et d'une grande ambition marocaine.

Elle est spécifique à une époque et raconte l'histoire du Maroc moderne".

 Il disait que cette architecture (en dehors de sa qualité architecturale et sa valeur esthétique) devait faire partie du patrimoine pour les deux raisons énoncées : le message social et l'histoire du Maroc.

Pour Azagury, les pouvoirs publics ont le devoir de préserver cette mémoire, qui est la seule référence historique spatiale et culturelle de la ville d'Agadir après sa démolition totale. Malheureusement, disait-il, ces bâtiments sont laissés à l'abandon et souvent défigurés.

Plus tardivement, Élie Azagury sera plus acerbe et critiquera le plan d'urbanisme, estimant en 2007 que l'occasion est venue de reprendre le plan dans un esprit et une vision nouvelle. Il jugera que celui ci tourne le dos à la mer, s'étale sur une trop grande surface, que les équipements sont trop éparpillés. "On ne peut pas se promener à Agadir" répétait-il avec véhémence.

Il ajoutait :

 
 "Le résultat n'est pas brillant… Il est vrai que les architectes qui ont participé à sa reconstruction ont réalisé certains bâtiments de bonne qualité mais l'urbanisme de la ville laisse beaucoup à désirer. Sans m'étendre, je dirai que l'on a fait d'une ville en bord de mer une ville de l'intérieur. Le schéma directeur, très ambitieux, n'est pas arrivé et arrivera difficilement à lier les composantes de la ville. Après trente années d'existence, Agadir présente des espaces indéfinis "des no man's land" extrêmement difficiles à combler, il est impossible d'y circuler à pied, sauf si l'on reste dans un quartier, sur la plage ou dans un hôtel. Le centre est décousu et s'étire difficilement, les vides entre les hôtels sont désespérants, la mer est inaccessible sauf pour quelques formations hôtelières construites sur le littoral… Toutes ces erreurs peuvent s'admettre lorsqu'il s'agit d'une ville de 2 ou 3 millions d'habitants mais restent inexcusables dans le cas d'Agadir".

(Avril 2007, Rencontre d'architectes à Agadir lors de ma mise en place d'Archimedia)
 

Il est mort à 91 ans à Casablanca.

  • Sources Cohen, p. 461,
  • Association de sauvegarde du patrimoine architectural du XXème siècle au Maroc- Newsletter n°10, mars 2010,
  • Architectures françaises Outre-Mer, notice biographique, p. 383.
  • Témoignage de Driss Kettani à la mort d'Élie Azagury.